Une Charte de l’Urbanisme à Bègles, des réponses et des questions

L’urbanisation, la densification sont des préoccupations majeures à Bègles. D’un côté les habitants qui redoutent ou subissent les effets, de l’autre un maire qui n’a de cesse d’affirmer sa volonté de freiner ce processus. Cela se traduit par un certain nombre d’événements. Soit venant du maire et de son équipe pour démontrer la réalité de ses engagements, soit venant des habitants qui se mobilisent ici ou là à propos des projets de constructions ou changements dans la ville, qui affectent leur cadre de vie de proximité. L’actualité concernant ce sujet est riche. La perspective des élections municipales n’y est sans doute pas pour rien. En effet, le maire actuel se présentera pour la première fois devant les électeurs, et devra faire la preuve de son efficacité pour obtenir leurs suffrages.

Voici un petit tour d’horizon autour de la présentation de la charte de l’urbanisation béglaise.

La charte béglaise de l’urbanisme

Présentation vendredi 12 juillet 2019 à l’espace Jean Vautrin par le maire accompagné d’un parterre d’experts, faisant notamment chacun à leur tour l’éloge de cette charte et de l’action de l’actuelle majorité municipale (et de celle du maire par conséquent), avant de donner leur point de vue à propos des actions en rapport avec la construction de la ville. Il y avait parmi eux des architectes, le représentant de la fédération des promoteurs, la directrice du CAUE (Conseil en Architecture Urbanisme Environnement), des élus et notamment le délégué à l’urbanisme. Il est celui qui a porté la réalisation des grands projets tels les Terres Neuves ainsi que Terres sud et autres ainsi que le projet sur Saint-Mandé, annulé après intervention des habitants. Étonnant que de voir cet élu mis en avant par le maire, qui veut limiter les constructions en hauteur sur Bègles alors que celui-ci a été le porteur de ce que beaucoup considèrent comme le bétonnage de la ville.
En matière d’urbanisme l’un des buts de cette charte serait de préserver les quartiers d’échoppes et de maisons basses en limitant la hauteur des bâtiments à R+1 (et ½ en attique (1)) dans près de 70 % de la zone constructible de la commune.
Il s’agit d’un document bien fait, agréable à lire mais à propos duquel un certain nombre d’observations s’imposent. D’ailleurs durant le peu de temps restant suite à la conférence-présentation de cette charte, plusieurs questions ont été posées à ce propos par les habitants présents.

La place des habitants

Les habitants sont totalement absents de la rédaction de cette charte. Ils sont pourtant les premiers intéressés, la ville n’est-elle pas faite pour ceux qui l’habitent ou vont l’habiter ?. Seul des experts ont eu à définir ce qui est bon pour les habitants. Dans un moment comme celui-ci ou l’exigence démocratique est forte, il paraît tout à fait étonnant que les habitants aient été mis de côté. Cela n’est probablement pas un hasard.
Pourtant en 2012-2013, sur commande du maire de l’époque, un livre blanc Vers Bègles 2030 avait été élaboré contenant des recommandations sur le thème « faire la ville avec les habitants ». Aucune de ces recommandations n’a été intégrée à la présente charte, elles avaient pourtant pour but d’associer les habitants à la construction de la ville, en leur donnant davantage de pouvoir d’influer sur les décisions. Le Maire interrogé à ce propos n’a pas démenti la nécessité d’associer les habitants à la charte, mais ce sera pour plus tard…. Il y aurait eu quelques rencontres avec les comités de quartiers à ce propos …
Le comité de quartier du Prêche n’a eu de cesse de proposer d’associer les habitants à la manière d’urbaniser, de construire la ville.

Quels pouvoirs a cette charte sur l’urbanisation de la ville ?

Parmi les dispositions nouvelles destinées à permettre aux habitants de jouer un rôle plus important pour la construction de la ville, Monsieur le Maire indique la présentation obligatoire du projet aux habitants avant que le permis de construire ne soit soumis au pouvoir du maire pour accord ou refus. On remarquera que cette mesure n’est pas présente dans la charte, dans laquelle figure l’engagement plutôt vague, de « encourager le dialogue entre promoteur, architectes et habitants ».
L’on sait par expérience que les rapports promoteurs habitants ne se règlent pas souvent par le dialogue mais plutôt au travers de rapports antagonistes. Un cas, parmi quelques autres, qui s’est présenté en 2018 montre les limites de cet engagement. Il s’agit du projet Logévie/Adapei, situé rue P. Sauboua. Il fut présenté aux habitants avant que le permis de construire ne soit accordé, seulement pour information puisque totalement abouti. Aucune possibilité ne fut donnée au recours des habitants de pouvoir négocier tel ou tel aspect du projet qui venait impacter leur cadre de vie. Et le permis de construire fut accordé par la mairie. Cas similaire Place du Bicentenaire.

Toujours en réaction à présentation de la charte, une habitante présente dans la salle interpella le représentant des promoteurs en mettant en évidence la contradiction existante entre les propos qu’il avait tenu sur la qualité et l’intérêt du dialogue avec les habitants, avec les pratiques de certains des promoteurs dont elle avait fait l’expérience dans le quartier où elle habite à Bègles.

Le Maire reconnaissait quant à lui, que le contenu de cette charte n’est pas contraignant puisqu’elle n’est pas « opposable ». Il indiqua aussi la période d’adoption par Bordeaux métropole, de la modification du PLU (Plan Local d’Urbanisme)  qui permettra la limitation des hauteurs de construction R +1 sur 70 % du territoire constructible béglais. Ce sera en fin d’année 2019.

Ne peut-on craindre alors que beaucoup de constructions de hauteur supérieure ne soient présentées et accordées avant que la nouvelle norme ne soit appliquée ? Monsieur le Maire devrait pouvoir l’éviter s’il utilise face aux nouveaux projets, la disposition réglementaire appelée « sursis à statuer », déjà utilisée par la mairie de Bègles. Décidera-t-il de le faire face à la pression des promoteurs ?

Les faits sont têtus, les espoirs sont sans limite – le bon chemin reste à trouver… ensemble, non ?

Dans le quartier du Prêche, rue Laudinat notamment, un permis de construire a été accordé pour la construction d’un immeuble dont la hauteur présente une discordance évidente avec l’ensemble de l’habitat alentours. Les riverains réagissent. Monsieur le Maire interpellé sur ce sujet a reconnu qu’il s’agit là d’un genre d’opération que l’on ne veut plus voir avec à Bègles, mais dit-il, il s’agit d’un « coup parti » (premier permis accordé en 2017). Autrement dit, il ne lui paraît pas envisageable, contrairement à ce qui a été demandé, que ce projet présentant une hauteur totale de 13 m, puisse être renégocié au regard de la vision actuelle de la mairie (la charte) du développement de la ville.

Une autre habitante est revenue sur les projets de constructions prévus dans la Maye de Bernet pour laquelle la mairie en 2017, a accordé une dérogation au PLU en vigueur permettant de satisfaire le promoteur , en diminuant la protection de l’espace arboré. Ce cas fait l’objet d’un recours d’habitants au tribunal administratif.

A ce tableau qui laisse quelque peu songeur quant à l’orientation prise en matière d’urbanisme et aux possibilités de « corrections de trajectoire » qui pourraient intervenir de par la volonté de M. le Maire, il convient tout de même d’évoquer un point positif à propos du projet prévu en 2017 aux « Près Lacoste » (près du domaine St Mandé). Il s’agissait de construire un immeuble de 5 niveaux sur un espace public déclassé pour l’occasion et très proche d’habitations plus basses déjà existantes. Un projet annulé suite à l’intervention solidaire des habitants et grâce au soutien du comité du quartier du Prêche.

Un exemple que l’on souhaiterait voir se multiplier ou bien ne pas exister si en effet la norme de construction devenait celle voulue par M. le Maire et sa majorité.

En attendant des recours s’expriment. Lesquels ? Au moins ceux de la Place du Bicentenaire, de la Maye de Bernet, etc… Et les habitants semblent très attentifs à la préservation de la qualité « Village Urbain » de leur ville, qui leur paraît parfois malmenée.

Actuellement, des ateliers de concertations sont organisés par l’Opération d’Intérêt National EURATLANTIQUE, soutenue par la ville de Bègles. Ils ont pour objet l’aménagement du quartier Marcel Sembat (projet Bègles-Garonne) dans la partie située entre la papeterie et les boulevards. Formulons l’espoir qu’ils constituent un espace de vraie participation avec les habitants pour la construction d’un morceau de leur ville. Ce serait une bonne nouvelle mais seulement pour un secteur très restreint de la ville. Les premiers pas paraissent intéressants à cet égard. Voyons la suite ! (une première restitution des ateliers a eu lieu le 16 juillet 2019).

EMEL

PS : cet article ne saurait présenter l’exhaustivité des sujets abordés. Sans entrer dans les détails, il convient de nommer quelques autres sujets évoqués : l’impératif de la lutte pour la sauvegarde de la biodiversité, contre le réchauffement climatique. Planter des arbres pour limiter la température est un objectif de la mairie, à ce propos, le non-remplacement des arbres morts dans la rue Marcel Cachin (face à la mairie), interpellation à propos de la contribution de la commune sur l’artificialisation des sols. Selon le maire, cette question devrait être abordée prochainement par Bordeaux Métropole pour concrétiser les efforts de limitation. Il a par ailleurs été question de l’histoire de la construction de la ligne de tram obtenue selon le représentant de la mairie, grâce à l’opération de renouvellement urbain d’Yves Farge – Terres Neuves, de végétalisation.  Nous avons appris aussi et suite à une question posée, que l’absence de point d’eau sur  les Terres Neuves s’expliquait par un manque de moyens… !

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Note :
(1) Le dernier étage qui termine le haut d’une façade et en retrait de celle-ci, et qui n’a ordinairement que la moitié ou les deux tiers de surface de l’étage inférieur. Il constitue une dérogation aux hauteurs de constructions définies dans le PLU pour pouvoir dépasser d’un niveau en plus.

Photo de une par EJ Yao on Unsplash
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